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de ce beſoin de compoſer de la muſique, une eſpèce de deſpotiſme curieux à faire connoître. Je puis en parler ſans inconvénient, attendu que je n’y joue pas le plus beau rôle.

Altéré de compoſition, il me demanda de lui faire les paroles d’un duo. Je lui déclarai mon impuiſſance ; mais ce fut en vain. Il me le demandoit à chacune de mes viſites, & d’un ton à me faite comprendre que les choses n’en reſteroient pas là. Je fis part de mon embarras à ma femme, qui me dit malignement, pour le guérir radicalement de cette maladie, je n’y fais qu’un remède, mon ami, fais lui promptement des vers, & cours les lui porter ; il y a mille à parier qu’il n’y reviendra plus. Tout malicieuſement gai que fut ce conſeil, je ſentis bien moi-même qu’il ne me reſtoit que ce parti. Je fis donc un duo entre Tircis & Dircé, j’eſpère que Dieu me le pardonnera. Tout fier de mon ſuccès, & ſur-tout curieux de voir la mine qu’il me feroit après la lecture, je me flattois d’en être quitte. Il prend mon duo, le lit, me remercie, le garde & le met en musique. Mais ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que malgré l’inſignifiance du petit dialogue, la muſique de ce duo est charmante ; il eſt gravé dans le recueil de ſes romances.