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qui auroit pu deviner cela de vous ? Lecteurs notez que c’eſt de lui que je tiens cette anecdote.

Il m’apprit auſſi que le cardinal de Bernis fit chercher avec grand ſoin, tant dans les bureaux des affaires étrangères qu’en Italie, la correſpondance qui eut lieu pendant que lui, Rouſſeau, étoit ſecrétaire d’ambaſſade. Il n’y trouva rien, me dit-il, & je l’en aurois bien aſſuré d’avance.

Avant de faire arriver mes lecteurs au temps où je ferai forcé de leur montrer Rouſſeau trop différent de ce qu’il eſt dans ce moment, je les prie de me pardonner de m’arrêter un peu, & de leur faire voir que cet homme extraordinaire ne faiſoit rien que lorsqu’il étoit commandé par un besoin irréſiſtible. Depuis long-temps mes lecteurs le voient copiſte de muſique ; mais il fut bientôt attaqué de la fièvre de la compoſition. On ſait que c’eſt ainſi qu’il fut en littérature & en philoſophie, homme très-médiocre jusqu’à l’âge de quarante ans ; & que dix années d’une fièvre continue & ſans ſommeil, comme il me l’a dit pluſieurs fois, l’ont mis, par ſes productions, au rang des écrivains les plus éloquens, des moraliſtes les plus épurés, & des philoſophes les plus éclairés. Il exerça ſur moi, à l’époque