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deux airs ; ma femme choiſit celui compris dans le recueil de ſes romances, gravé après ſa mort. Cet air est un chef-d’œuvre pour l’expreſſion vraie de la ſituation où Shakeſpéare l’a placé. Je me permettrai de remarquer à cette occaſion qu’il eſt à préſumer que le citoyen Ducis, auteur de l’excellente tragédie d’Othello, n’avoit pas connoiſſance de la Romance de J. J. Il auroit sans doute adopté la traduction de Letourneur, pour pouvoir la faire chanter ſur le théâtre. Il auroit eu l’avantage de s’aſſocier avec Shakeſpéare & Rouſſeau ; il auroit pu faire jouir le public de cet excellent morceau, & enfin il auroit augmenté l’effet du pathétique de la situation, par l’expreſſion déchirante & vraie de la compoſition muſicale.

J’ai remarqué dans Rouſſeau une qualité bien rare, & qu’on ne ſeroit pas disposé à lui ſuppoſer, d’après l’aigreur que ſouvent il verſoit autour de lui. Pendant le cours des douze années que j’ai vécu avec lui, je ne lui ai entendu dire du mal de qui que ce ſoit. Souvent en me parlant des perſonnes, il lui arrivoit de les claſſer dans le nombre de ſes ennemis, & ſur ce point, que dans la ſuite de cette notice je me propoſe d’approfondir, il n’y avoit nulle poſſibilité de le