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reur de ce ſpectacle. Après m’avoir rendu compte de l’accident, je vis avec grand plaiſir qu’il excuſoit le chien ; ce qu’il n’eût pas fait, ſans doute, s’il eût été queſtion d’un homme : il auroit vu infailliblement dans cet homme un ennemi qui, depuis longtemps, méditoit ce mauvais coup ; il ne vit dans le chien, qu’un chien qui, me dit-il, a cherché à prendre la direction propre à m’éviter ; mais voulant auſſi agir de mon côté, je l’ai contrarié ; il faiſoit mieux que moi, & j’en ſuis puni. J’obſerverai, car cela est néceſſaire pour le but que je me propoſe, qu’il n’étoit pas poſſible de ſe trouver dans un état plus affligeant & plus dangereux, puisque la fièvre atteſtoit que la chûte avoit cauſé, dans toute la machine, un ébranlement général ; mais l’accident étoit, comme je l’ai dit, occaſioné par un chien ; il n’y avoit pas moyen de lui prêter des vues malfaiſantes & des projets médités : dans cet état, Rouſſeau reſtoit ce que naturellement il étoit lorſque la corde de ſes ennemis n’étoit point en vibration. Jamais, de mon côté, je ne fus moins diſpoſé à rire. Jamais Rouſſeau n’avoit eu plus de raiſon de s’affliger ; cependant le cours de la converſation nous amena tous deux à des propos ſi gais,