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salons de Versailles, sous le chaste pinceau de Lesueur ? Faudra-t-il rappeler cette statue élevée à l’hôtel-de-ville de Paris (1689), monument de la plus honteuse flatterie, dû au ciseau de Coysevox, et consacré spécialement au roi destructeur de l’édit de Nantes[1]. Des bas-reliefs d’airain mentionnaient cette offrande des prévôt et échevins de la ville de Paris ; ils dessinaient une affreuse chauve-souris aux larges ailes enveloppant les œuvres de Jean Hus et de Calvin. Tous ces bronzes ont été changés, l’an 1792, en canons révolutionnaires qui allèrent tonner à Valmy ; les inscriptions adulatrices ne sont plus ; mais la postérité doit se souvenir à jamais qu’on y grava ces paroles : Ludovico magno, victori perpetuo, ecclesiæ ac regum dignitatis assertori.

Nous bornons ici ces exemples déjà nombreux et qu’il eût été facile de multiplier. Ils ont bien quelque chose de surprenant et de douloureux. Par des citations remarquables choisies dans les discours les plus solennels du clergé, dans les harangues des littérateurs les plus élevés, dans la jurisprudence bien autrement grave de magistrats austères, dans les compositions des arts et jusque dans les confidences des ruelles, nous venons de voir combien l’esprit du temps était âpre ou léger sur des mesures qui nous semblent si condamnables aujourd’hui. Ces traits de mœurs et d’opinions, venant de tant de

  1. Pour élever cette déification de Louis XIV vainqueur des réformes, comme les Romains sculptaient le marbre de leurs empereurs, vainqueurs d’Olympie, on avait retiré la statue du jeune roi foulant aux pieds la Fronde. C’est cette triste sculpture de Sarrazin qui fut remplacée par le bronze de Coysevox, et qui, sauvée par la maison de Condé, figure aujourd’hui dans le Musée français du Louvre, non loin des gracieuses nymphes de Jean Goujon, des émaux si vivants de Palissy et de l’admirable Jugement dernier de Jean Cousin.