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des églises du désert.

trie absente. Pour peindre un tel état de choses, on ne saurait mieux faire que d’emprunter les paroles contemporaines de Saurin, dans ce fameux discours du commencement de l’année 1710, où, au nom de toutes les églises du refuge, il adresse ses vœux annuels et à la France et au monarque auteur de tant de maux. Ce passage célèbre, qui figure parmi les chefs-d’œuvre classiques de l’éloquence sacrée, servira comme de résumé à notre tableau législatif. « Nos vœux sont-ils épuisés, s’écriait l’orateur exilé. Hélas ! dans ce jour de joie, oublierions-nous nos douleurs ? Heureux habitants de ces provinces, importunés tant de fois du récit de nos misères, nous nous réjouissons de votre prospérité, refuseriez-vous votre compassion à nos maux ? Et nous, tisons retirés du feu (Ép. de Paul aux Cor., 3, 13), tristes et vénérables débris de nos malheureuses églises, mes chers frères, que les malheurs des temps ont jetés sur ces bords, oublierons-nous les malheureux restes de nous-mêmes ? Gémissements des captifs, sacrificateurs sanglotants, vierges dolentes, fêtes solennelles interrompues, chemins de Sion couverts de deuil, apostats, martyrs, sanglants objets, tristes complaintes, émouvez tout cet auditoire. « Jérusalem, si je t’oublie, que ma droite s’oublie elle-même, que ma langue s’attache à mon palais si je ne me souviens de toi, si je ne fais de toi le principal sujet de ma joie. » Jérusalem, que la paix soit dans tes murs ! Dieu veuille être touché, sinon de l’ardeur de nos vœux, au moins de l’excès de nos misères, sinon des malheurs de notre fortune, du moins de la désolation de ses sanctuaires ; sinon de ces corps que nous traînons par tout l’univers, du moins de ces âmes qu’on nous enlève.

« Et toi, prince redoutable, que j’honorai jadis