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bonheur pour l’éternité. » (Mss. Cast., mars et avril 1745) Singulière position de toute une classe de Français au milieu du xviiie siècle, demandant comme une grâce au roi de France, à Louis le Bien-Aimé, qu’il leur fût permis de fuir avec leurs familles et leurs biens cette patrie, que l’intolérance changeait pour eux en un séjour insupportable ? Savait-on à Versailles que tant de Français implorassent alors le bannissement comme une faveur ? Il est permis d’en douter. En effet, les protestants signataires disent douloureusement dans la lettre qui accompagnait leur requête, adressée au commandant, à l’intendant, et au ministre Saint-Florentin : « Nous avons le malheur de n’avoir aucun accès au trône de Sa Majesté ; » ils poussèrent les précautions jusqu’à l’envoyer par la poste, outre les ministres, au roi lui-même, espérant par là que leurs plaintes « pourraient de quelque façon » tomber sous les yeux du monarque. Mais il fallut que le Languedoc eût recours à des moyens plus énergiques ; toutes les représentations furent inutiles ; ce ne fut pas la première fois dans l’histoire que l’on éprouva que souvent les murs des palais des rois sont d’airain pour les plaintes des opprimés. C’était cependant l’année où Voltaire livra au public sa tragédie de Mahomet (1745) avec la fameuse dédicace à Benoît xiv, qui lui accorda en retour des éloges auxquels il fut très-sensible, et ses bénédictions ; c’était l’année où les provinces du midi du royaume étaient en proie aux condamnations de toutes sortes, et où Jacques Roger fut attaché au gibet : l’auteur de cette tragédie philosophique contre le fanatisme aurait presque pu prendre le Dauphiné, au lieu de l’Arabie, pour le théâtre de son drame.

Au milieu de l’indifférence des beaux esprits, au