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ne présentent une certaine énergie de style, ainsi que celle que nous citons pourra le démontrer. On y rencontre des traits d’une grande force. On remarquera surtout les espèces d’imprécations qui terminent la ballade de Roussel. Cette fin est moins évangélique qu’elle n’est lyrique. On voit que l’auteur accepte avec quelque contrainte la douceur clémente de son pasteur supplicié et trahi, et qu’il se dédommage, par l’idée des tourments futurs, du pardon que sa foi l’oblige à prononcer pour ce monde. Ceci est le trait le plus original. Mais ces morceaux nous paraissent avoir d’autres qualités encore. La simplicité du récit ; la vigueur du dialogue et des répliques ; surtout la naïveté vraiment sublime, par laquelle le chanteur anonyme nous dépeint la citadelle et les cachots de Montpellier comme la maison des fidèles : tout cela forme un tableau d’une grande beauté. On semble entendre le cri de douleur de ce peuple persécuté. On n’est troublé ni par les rudesses de style ni par les fautes de quantité : nous nous sommes bien gardés d’introduire la moindre correction, qui eût endommagé la naïveté de cette poésie légendaire.


complainte sur la prise de m. roussel,
Pasteur du désert, exécuté à Montpellier le 30 novembre 1728.
i.

Mes frères, écoutez le cruel traitement
Qu’on a fait à Roussel, ce jeune proposant ;
Il a été vendu, ah quelle perfidie !
Comme on vend la chair dans une boucherie.

ii.

Il fut pris, arrêté à la côte d’Aulas,
Lié et garrotté par la main des soldats.
On le mène au Vigan, dedans cette posture,
Toujours en lui chantant toute sorte d’injures.