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histoire.

les plus tragiques survenus dans les églises du désert.

Nous ne trouvons point dans nos pièces officielles synodales, ou dans nos pièces privées, des allusions à ce genre de compositions. Il est probable qu’elles obtinrent une très-faible mesure d’approbation de la part des pasteurs de cette époque, dont les mœurs étaient graves comme leurs idées. Cette forme frivole ne dut point leur plaire. Quelque convenables que fussent les sentiments qu’on y exprimait, c’était toujours mettre le martyre en chansons ; cette idée seule dut blesser des hommes aussi religieux. Au reste, les ballades que nous avons lues, loin d’offrir quelque chose de blâmable, n’auraient pas blessé même les rigoristes. Toutes sont profondément religieuses ; toutes sont animées des sentiments de la plus profonde confiance en Dieu et en Jésus-Christ. Il est superflu d’ajouter que toutes portent l’empreinte d’un attachement inébranlable à la foi réformée ; car sans un tel sentiment, elles n’eussent pu être ni composées ni redites. Toutefois, elles sont encore plus spécialement bibliques que dogmatiques. Dans celle qui célèbre la douleur de la mère de Roussel, les rapprochements énergiques et même injurieux ne sont pas épargnés ; il est question de Babylone, de Nabuchodonosor, de Pharaon, de Jézabel, et d’Hérode ; et tout cela est cité et représenté avec une ferveur bien profonde. On y distingue facilement la trace de la lecture familière de la Bible, qui était alors si profondément dans les habitudes religieuses du Languedoc. À l’abondance et à la vivacité des images bibliques, on y voit comme un reflet très-populaire de la grande manière de Saurin. Au reste, l’orateur de La Haye prêchait encore lorsque les premières de ces ballades furent chantées.