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des églises du désert.

l’esprit d’une femme, dont la fortune fut si prodigieuse, et dont la dévotion, partant d’un cœur où se mêlaient la pruderie, l’intrigue et l’ambition, causa des maux inouïs aux réformés du royaume. Le brave et savant Agrippa d’Aubigné, austère ami de Henri IV, avait été l’un des derniers caractères où se montra la grandeur de la réforme des premiers temps. Il avait épousé la dame de Lezay, de la maison des Lusignan, et comme lui, zélée calviniste. M. d’Aubigné, issu de ce mariage, homme d’assez mauvaises mœurs, épousa Jeanne de Cardillac, laquelle accoucha dans la prison de Niort d’un enfant, Françoise d’Aubigné ; ce fut cette petite fille du grand d’Aubigné, qui devint la duchesse de Maintenon et l’épouse de Louis XIV. Son père mourut en laissant après lui de mauvaises affaires ; les autres filles d’Agrippa d’Aubigné avaient recueilli la jeune huguenote, leur nièce, lorsqu’un ordre d’Anne d’Autriche vint la retirer d’entre leurs mains. Elle fut mise dans un couvent à Paris, où elle ne se convertit qu’après une longue résistance, vers l’âge de quatorze ans ; encore Françoise d’Aubigné ne voulut abandonner sa foi qu’à condition qu’on ne l’obligeât point de croire que sa tante, Catherine d’Aubigné, marquise de Villette, qu’elle avait vue vivre comme une sainte, serait damnée.[1] Ce point fut bientôt réglé, et Françoise abandonna la religion de ses pères.

Lorsque la jeune d’Aubigné fut devenue la femme, puis la veuve de Scarron, un esprit de dévotion profonde ne l’empêcha pas de songer à son avenir temporel. Soit par goût de piété, soit à cause de sa

  1. Souv. de madame de Caylus, petite-fille d’Arth. d’Aubigné et du marquis de Villette, et nièce de la duchesse de Maintenon.