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des églises du désert.
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on voit évidemment que si les états provinciaux du Languedoc avaient pu se garnir de leur tiers-état protestant, sans doute alors de solides libertés politiques se seraient élevées sur la base des libertés religieuses. Déjà le midi de notre patrie avait autrefois donné un semblable exemple. Sans les guerres d’extermination que les papes dirigèrent contre les Albigeois, il est probable que la renaissance des lettres eût éclaté deux siècles plus tôt. Alors sans doute le bienfait d’une indépendance de ce despotisme romain, allié fidèle des rois absolus, se fût consolidé par l’exemple du royaume de Provence, et eût assuré à l’Europe l’influence d’établissements politiques équitables. Une cour brillante et polie eût remplacé la rudesse du moyen âge. La Provence eût transformé l’Europe par l’ascendant d’une langue élégante, d’un ensemble d’arts et d’une littérature supérieurs à tout ce que possédaient les contemporains, et bien antérieurs aux vers de Pétrarque et de Dante comme aux madones de Cimabue de Florence, et aux sculptures des artistes de Pise. Moins heureux que les calvinistes français du xviiie siècle et victimes d’une affreuse croisade, les Provençaux réformés ne purent conserver, même secrètement, leurs arts chevaleresques, leur religion épurée et leur poésie délicieuse. Tout périt sans retour au xiiie siècle par les massacres d’une armée de dévots atroces ; mais les disciples français de la réforme du xvie siècle, habitant presque les mêmes montagnes et des plaines non moins fertiles que l’Albigeois, purent sauver leurs principes et leur existence, grâce aux progrès de la civilisation, à l’influence d’un temps plus éclairé, et à un affranchissement plus complet de la barbarie de l’époque des croisades. Leur victoire, fruit d’une si