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mesure de la régence de Philippe, mesure par suite de laquelle on se fût attendu à quelque résultat favorable ou au moins à quelque adoucissement dans la législation à l’égard des protestants. D’Aguesseau, fils du conseiller, ancien intendant du Languedoc, après avoir été avocat-général au parlement de Paris à vingt-deux ans, et procureur-général à trente-deux ans, fut nommé par le régent, chancelier et garde des sceaux. Sa pénétration, son éloquence, l’austérité de ses mœurs, un esprit orné et profond joint à la pratique d’une vertu incorruptible, l’indiquèrent à ce poste éminent qu’il occupa pendant près de quarante années. D’où vient donc qu’un tel magistrat tenant les sceaux, les édits les plus intolérants et les plus inexécutables n’aient pas cessé d’être appliqués contre les protestants pendant toute la durée de sa charge ? La contradiction s’explique quand on songe que d’Aguesseau, en secret attaché aux doctrines jansénistes, et animé d’un esprit parlementaire prononcé, portait jusqu’au scrupule l’amour des formes légales. Des traditions de robe, un long séjour au parquet, un respect poussé jusqu’à l’adoration pour la mémoire de son père le conseiller, l’avaient pénétré d’engouement pour la législation fondamentale, basée sur le fait de la non-existence des protestants dans le royaume. Il était sans cesse porté à appliquer sur ce point cette maxime janséniste ; savoir, que le fait extérieur des sacrements suffisait, et qu’il devait être interdit aux prêtres de pénétrer dans le for intérieur et de sonder les consciences. Il est bien probable que cet homme juste autant que droit, pensa que les réformés, au prix de quelques actes extérieurs, rentreraient par le fait dans l’exercice de leurs droits religieux, et qu’administrés par les lois comme catho-