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des églises du désert.

ces raisonnements fut que, puisque, suivant Saint-Simon, Louis XIV avait fait la faute beaucoup plus dans la manière de l’exécution que dans la chose même, puisque l’Europe s’y était accoutumée, et les protestants hors de toute raisonnable espérance là-dessus, il fallait bien se garder d’aller de gaieté de cœur, et dans un temps de régence, s’embarquer dans les malheurs certains et sans ressource qui plusieurs fois avaient failli bouleverser la France. Le succès de ces conseils fut tel, qu’il ne fut plus question du rappel des huguenots, et que l’on résolut de ne se point départir de ce que le feu roi avait statué, « autant que les contradictions et quelques impossibilités effectives de ses ordonnances en rendaient l’exécution possible[1]. » Ainsi des projets de sage tolérance et de lucrative pacification furent étouffés dans leur germe. Ainsi, lorsque la vérité se glisse dans le cœur d’un prince, il se trouve toujours à ses côtés un courtisan pour l’éteindre.

Cependant il n’est guère permis de douter que saint Simon ne fût de bonne foi en adressant ses conseils au régent ; son avis mérite de l’attention, comme nous initiant à ces défiances et à ces erreurs que les gens de cour nourrissaient alors contre les réformés, et dont la tradition, continuée durant presque tout ce siècle, retarda si longtemps des mesures réparatrices qui étaient dans l’intérêt de tous. Si ce duc, infatué de ses prétentions de pairie et si gonflé de mépris pour la robe comme pour le tiers état, n’eût pas été d’une robuste ignorance sur la position et les vœux des églises, il aurait su qu’elles étaient fort loin, alors même qu’on eût rappelé tous les exilés, de demander des places fortes, des privilèges, des troupes ou des tri-

  1. Mém., ann. 1716.