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sumer en un petit nombre de pages, et sous la forme du dialogue, les principes généraux et leurs applications les plus immédiates ; tel Tut l’objet du Catéchisme d’Économie politique, publié pour la première fols en 1817. Cet ouvrage a eu de nombreuses éditions et a été traduit, ainsi que le Traité, dans presque toutes les langues de l’Europe

L’Economie politique n’absorbait cependant pas tous les instants de J.-B. Say ; il était d’ailleurs nécessaire de connaître les rapports qui liaient cette science à celles qui ont pour objet des phénomènes sociaux d’un autre ordre, et il lui fallut étendre ses études à l’ensemble des sciences morales et politiques. Il a laissé de nombreux fragments qui montrent que si le temps ne lui eût manqué, il se proposait d’écrire un Traité de morale, et un autre de politique pratique. Les observations qu’il avait jugé utile de mettre par écrit étaient classées avec méthode ; celles qui ne seraient point entrées dans les livres purement scientifiques, auraient trouvé place dans des écrits d’une forme plus familière. La Correspondance d’un docteur, et ses propres Mémoires, lui paraissaient fournir des cadres convenables. Mais pour répandre ainsi des vérités utiles, Il ne fallait négliger aucune partie de l’art de bien dire, auquel il n’avait jamais cessé de s’exercer. Ce qu’il avait préparé pour des Lettres à une dame sur le talent décrire fait regretter que cet ouvrage n’ait pas été terminé. Prévoyant toutefois que le temps lui manquerait pour conduire à fin tous ses projets, il recueillit quelques-unes de ses pensées, lit un choix de celles qui se présentaient avec un tour heureux et rapide, et les publia sous ce titre : Petit volume, contenant quelques aperçus des hommes et de la société.

Peu de temps après la publication du Petit volume, parut la brochure : De l’importance du fort de La Villette, qui bientôt après fut réimprimée avec de nouveaux développements et un nouveau titre : Des canaux de navigation dans l’état actuel de la France.

La troisième édition du Traité d’Économie politique avait été, comme la seconde, tirée à un grand nombre d’exemplaires ; cependant elle fut épuisée presque entièrement dans la même année. En 1819, il en parut une quatrième avec des corrections et des augmentations considérables. L’auteur donna de nouveaux développements aut chapitres relatifs à la balance du commerce, au commerce des blés, à l’usage des monnaies-, les crises monétaires et commerciales de l’Angleterre fournissaient d’utiles renseignements sur ces matières ; J.-B. Say se tenait au courant de toutes les publications qui s’y rapportaient, et entretenait une correspondance active avec tous ceux qui s’en occupaient et pouvaient faire autorité. La bonne foi réciproque avec laquelle ce commerce était suivi, le même amour de la vérité qui présidait à cette correspondance, resserraient les liens qui unissaient déjà les Economistes les plus distingués de l’époque. J.-B. Say se plaisait à reconnaître les services importants rendus à la science par les travaux de Ricardo sur les monnaies, et par ceux de Maltb.ua sur la population ; mais 11 ne craignait pas

de combattre leurs opinions sur les points où elles lui paraissaient s’écarter de la vérité. L’apparition des Nouveaux principes d’Économie politique de Mallhus devint l’occasion d’une polémique qui fut livrée à l’impression. Six Lettres à Malthus contiennent d’excellentes dissertations sur les causes des crises commerciales, sur la théorie des débouchés, sur celle des produits immatériels ; ces lettres à Malthus eurent un grand succès en Angleterre ; elles servaient aussi de réponse, en beaucoup de cas, à quelques-unes des plaintes de Sismondi sur les inconvénients de la liberté du travail et de la concurrence. Un article spécial sur la Balance des productions et des consommations vint compléter, sur ce point, la défense des principes, sans altérer en rien les excellents rapports qui unissaient deux hommes également amis du bien et de la vérité.

On s’étonnait avec raison qu’une science aussi importante pour l’humanité, aussi utile à consulter pour la bonne gestion des intérêts nationaux, fût encore laissée en dehors de tout enseignement public en France. Des tentatives furent faites pour obtenir la création de deux chaires d’Économie politique, l’une à l’École de droitt l’autre au Conservatoire des Arts et Métiers. Celle de l’École de droit fut décidée en principe sans qu’on donnât suite à cette décision, et la chaire du Conservatoire, confiée à J.-B. Say, ne fut ouverte qu’avec une modification dans le titre du cours. Le mot politique effrayait ; on dut se borner à enseigner l’Économie industrielle ; ces restrictions, aussi bien que le lieu choisi pour l’enseignement, citaient au cours une grande partie de sa portée, et ce n’est qu’après 1830, lorsqu’il était déjà affaibli par l’âge, que J.-B. Say devait être appelé à professer au Collège de France l’Économie politique proprement dite.

Partout où il a parlé, ses leçons ont été suivies avec un vif intérêt, et son enseignement a toujours été présenté avec lucidité, avec grâce, surtout avec une chaleur de conviction qui inspirait la confiance. Ses leçons étaient écrites, et ceux qui le connaissaient, qui avaient entendu sa conversation toujours nourrie de faits et variée d’expressions, ont vivement regretté que, dans la chaire du professorat, il ne se soit jamais livré aux chances de l’improvisation. On ne peut trouver l’explication de cette retenue de sa part que dans un excès de sévérité envers lui-même, dans la crainte d’abuser par des redites du temps qu’on lui accordait, et par un désir d’exposer toujours de la manière la plus claire et la plus rapide des vérités solidement établies. « Je n’ai presque jamais, écrivait-il un jour, été content de ma conversation. Ma seconde pensée est en général meilleure que la première, et malheureusement c’est toujours celle-ci qui se produit dans la conversation. Je serais tenté de dire comme madame Kiccoboni, à qui on reprochait de parler moins bien qu’elle n’écrivait, et qui répondit : C’est que je parle comme j’efface. • Quant à lui, en effet, il effaçait en écrivant, et si le hasard lui valait souvent une heureuse expression, on peut dire qu’il méritait les bienfaits du hasard.

Les leçons écrites et professées étaient généralement extraites d’un travail préparé de lon-