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habileté en affaires et à une grande fortune, qu’on portait au chiffre de 12 millions, grâce aussi à l’indépendance de son esprit et de son caractère, Ricardo occupait une importante position dans son pays. En 1819, il fut nommé membre du parlement par les électeurs de Portarlington. Deux de ses lettres témoignent de l’extrême défiance qu’il avait de ses propres forces. « Vous avez vu, écrivait-il le 7 avril 1819 à un de ses amis, que je siège à la chambre des communes. Je crains de n’y être pas fort utile. J’ai essayé deux fois de parler, mais je l’ai fait de la manière la plus embarrassée, et je n’ai guère l’espoir de vaincre l’épouvante qui me saisit dès que j’entends ma voix. » « Je vous remercie, disait-il dans une autre lettre, en date du 22 juin 1819, des efforts que vous faites pour m’inspirer un peu de courage. L’indulgence de la chambre a diminué pour moi la difficulté de parler, mais je vois encore tant d’obstacles et de si terribles, que je crains bien que ce ne soit sagesse de ma part de m’en tenir à des votes silencieux. » Tout prouve qu’il fut alors trop sévère envers lui-même. Voici comment s’exprime lord Brougham[1] à cet égard : « La parole de Ricardo avait un remarquable cachet de distinction : le style en était clair, simple, correct, la trame fortement tissue et enrichie de faits et de documents précieux. Il s’abstenait dans les questions qui n’avaient pas été l’objet de ses longues méditations, et, lorsqu’il parlait sur des événements et des lois intéressant l’Église ou la politique générale, il semblait obéir à un devoir de conscience et à la franchise invétérée de son esprit. Aussi peu d’hommes ont exercé sur le parlement une action plus réelle ; peu d’hommes ont commandé aussi vivement l’attention, et comme il n’avait pour captiver les auditeurs ni entraînantes inspirations, ni gracieux propos, on peut considérer cette influence comme le triomphe de la raison, de l’intégrité, du talent. » Au reste, il commanda le respect de tous les partis, même du parti ministériel, qu’il combattit presque constamment ; mais il ne voulut subir le joug d’aucune coterie, votant avec l’opposition, avec les radicaux, avec le cabinet, par raison et non par tactique ou ambition. Bien qu’il dût une partie de sa fortune à la négociation des emprunts publics, il combattit plus d’une fois à la tribune cette ruineuse pratique des gouvernements en général et du gouvernement anglais d’alors en particulier.

Tel fut l’homme politique. Le savant n’avait ni moins de calme, ni moins d’indépendance. Pendant vingt ans il discuta avec Malthus, avec Mill, avec J.-B. Say, sans que l’antagonisme des idées altérât l’amitié qui existait entre ses illustres contradicteurs et lui. Dans la vie privée, Ricardo avait un caractère à la fois ferme, doux, simple et aimable ; c’était un père plein d’indulgence, un mari plein de bonté, un ami dévoué. Il aimait surtout à réunir autour de lui des hommes de talent et à causer librement de toutes choses, et principalement de celles qui se rattachaient à sa science favorite. On a conservé de lui le plus agréable souvenir au club d’Économie politique de Londres, dont il fut un des fondateurs (voyez Économie politique (Société d’), et à Paris, dans le cercle que réunissaient une fois par semaine J.-B. Say et son aimable compagne. On dit aussi que sa générosité marchait de pair avec son talent : presque toutes les institutions charitables de Londres le comptaient au nombre de leurs protecteurs, et il soutenait à ses frais un hospice et deux écoles dans le voisinage de sa résidence dans le comté de Gloucester. James Mill a dit de lui : « Son histoire offre un exemple bien encourageant ; il avait tout à faire, et il remplit sa tâche. Que la jeune âme qui s’élance par le désir au-dessus de la sphère où elle a été placée ne désespère pas, au spectacle de sa belle carrière, d’atteindre aux rangs les plus élevés dans la science, dans la politique. Ricardo avait à faire sa fortune, à former son esprit et même à commencer son éducation, sans autre guide que sa sagacité pénétrante, sans autre encouragement que son énergique volonté, et c’est ainsi que ; tout en se créant une immense fortune, il étendit son jugement et doua sa pensée d’une force qui n’a jamais été dépassée. »

Sans être robuste, Ricardo était doué d’une constitution qui semblait lui promettre une plus longue carrière. Mais il avait depuis quelques années une douleur d’oreille à laquelle il n’avait pas fait grande attention, et qui prit un caractère très alarmant, en septembre 1823, après la clôture de la session, lorsqu’il était de retour dans sa résidence de Gatcom-Park. La rupture d’un abcès amena d’abord un soulagement, mais l’inflammation recommença, le cerveau fut pris, et il mourut le 11 septembre[2], après une cruelle agonie de deux jours. Il n’avait que 51 ans.

Joseph Garnier.


The high price bullion a proof of the depreciation of banknotes — (Le haut prix des lingots est la preuve de la dépréciation des billets de banque. 1re édition, Londres, 1810 ; 4e édition en 1811.

A eu cinq éditions. Traduit en français par Alc. Fonteyraud, dans la Collection des Princip. Économistes (Tome XIII, Œuvres complètes de D. Ricardo. Paris, Guillaumin, 1847, vol. gr. in-8.), sur la quatrième édition (voyez Mac Culloch, Lit. of polit. Econ.), corrigée et augmentée d’un appendice contenant des observations relatives à quelques passages d’un article de la Revue d’Édimbourg, sur la dépréciation de la circulation en papier, ainsi que des propositions tendant à assurer au public une circulation aussi invariable que l’or avec un contingent très modéré de ce métal. — Forme 57 pages de ce volume. La fin de ce petit traité renferme des observations ingénieuses sur quelques-uns des points les plus délicats de la théorie du change, et on y trouve déjà l’idée de faire échanger les billets de banque contre des lingots d’or. (Voyez ci-dessous.)

Reply to Mr. Bosanquet’s practical observations on the report of the bullion committee. — (Réponse aux observations pratiques… de M. Bosanquet, sur le rapport de la commission des métaux précieux). Londres, 1811, in-8 de 141 pages.

Traduit aussi par Fonteyraud pour le même recueil, dans lequel il tient 80 pages. Cet écrit est divisé en neuf chapitres, plus un appendice. Ricardo y passe en
  1. Galerie des hommes marquants du règne de George III.
  2. Date citée par MM. Mac Culloch et Fonteyraud. La Biographie universelle dit le 11 août de la même année : MM. Mac Culloch et Fonteyraud ont dû être mieux renseignés.