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NATURE DES CHOSES. L’économie politique n’est point, comme on l’a dit et cru quelquefois, une collection de principes et de maximes arbitraires ; c’est une science fondée sur l’observation des lois permanentes de la nature même des choses, suivant la méthode d’expérience ou d’induction qui guide aussi les investigations humaines dans les sciences physiques. J.-B. Say a exprimé avec sa netteté ordinaire celle vérité fondamentale, et nous ne croyons pouvoir mieux faire que de reproduire ici ce qu’il a écrit à ce sujet :

« La manière dont les choses sont et dont les choses arrivent, constitue ce qu’on appelle la nature des choses, et l’observation exacte de la nature des chose est l’unique fondement de toute vérité.

« De là naissent deux genres de sciences : les sciences qu’on peut nommer descriptives, qui consistent à nommer et à classer les choses, comme la botanique ou l’histoire naturelle ; et les sciences expérimentales, qui nous font connaître les actions réciproques que les choses exercent les unes sur les autres, ou en d’autres termes la liaison des effets avec leurs causes ; telles sont la physique et la chimie.

« Ces dernières exigent qu’on étudie la nature intime des choses, car c’est en vertu de leur nature qu’elles agissent et produisent des effets ; c’est parce qu’il est dans la nature du soleil d’être lumineux et dans la nature de la lune d’être opaque, que lorsque la lune passe devant le soleil, ce dernier astre est éclipsé. Une analyse scrupuleuse suffit quelquefois pour nous faire connaître la nature d’une chose ; d’autres fois elle ne nous est complétement révélée que par ses effets ; et, de toutes manières, l’observation, quand nous ne pouvons avoir recours à des expériences faites exprès, est nécessaire pour confirmer ce que l’analyse a pu nous apprendre.

« Ces principes, qui m’ont guidé, m’aideront à distinguer deux sciences qu’on a presque toujours confondues : l’économie politique, qui est une science expérimentale, et la statistique, qui n’est qu’une science descriptive.

L’économie politique, telle qu’on l’étudié à présent, est tout entière fondée sur des faits ; car la nature des choses est un l’ait, aussi bien que l’événement qui en résulte. Les phénomènes dont elle cherche à faire connaître les causes et les résultats peuvent être considérés ou comme des faits généraux et constants qui sont toujours les mêmes dans tous les cas semblables, ou comme des faits particuliers qui arrivent bien aussi en vertu des lois générales, mais où plusieurs lois agissent à la fois et se modifient l’une par l’autre sans se détruire ; comme dans les jets d’eau de nos jardins, où l’on voit les lois de la pesanteur modifiées par celles de l’équilibre, sans pour cela cesser d’exister. La science ne peut prétendre à l’aire connaître toutes ces modifications, qui se renouvellent chaque jour et varient à l’infini ; mais elle en expose les lois générales et les éclaircit par des exemples dont chaque lecteur peut constater la réalité.

« Il y a dans les sociétés une nature des choses qui ne dépend en rien de la volonté de l’homme, et que nous ne saurions régler arbitrairement.

« Ce n’est point à dire que la volonté de l’homme n’influe en rien sur l’arrangement de la société ; mais seulement que les parties dont elle se compose, l’action qui la perpétue, ne sont point un effet de son organisation artificielle, mais de sa structure naturelle. L’art du cultivateur peut tailler un arbre, le disposer en espalier ; mais l’arbre vit et produit en vertu des lois de la physique végétale qui sont supérieures à l’art et au pouvoir de quelque jardinier que ce soit. De même les sociétés sont des corps vivants, pourvus d’organes qui les font exister ; l’action arbitraire des législateurs, des administrateurs, des