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livre de la chambre de commerce présente donc le tableau général de toutes les industries à Paris, tel qu’il a pu être dressé a la suite d’une enquête minutieusement faite, plutôt qu’il ne présente l’enquête elle-même. Chaque industrie a été l’objet d’un tableau et d’une notice spéciale ; ces industries distinctes sont au nombre de 325, rangées, d’après les analogies qu’elles peuvent avoir entre elles, en 13 groupes industriels. Ayant pu poser la question relative à l’importance des affaires sur chacune des deux années 1847 et 1848, c’est-à-dire sur une année normale pour l’industrie et sur une année de crise, on a pu arrivera la constatation précise des effets des commotions politiques violentes sur le mouvement du travail dans une grande capitale, et il y a dans des faits ainsi simplement exposés plus d’un enseignement à puiser.

Ces détails, un peu longs peut-être, méritaient d’être donnés en ce qu’ils font connaître une application du système des enquêtes qui peut fournir de bons exemples à suivre. La chambre de commerce a employé trois années à faire faire le recensement et à effectuer le classement ainsi que le dépouillement des renseignements recueillis ; la commission de l’enquête a eu à la fois sous ses ordres jusqu’à soixante-quatre employés, et la dépense totale, y compris les frais d’impression du volume, s’est élevée à 110,600 fr.[1].

Les enquêtes en général sont le meilleur moyen d’arriver sur chaque question à une connaissance assez exacte des faits pour en pouvoir tirer d’utiles applications. Mais, pour qu’elles aient toute leur portée, il faut qu’elles soient bien déterminées dans leur objet et bien conduites. Une commission d’enquête ne doit pas être trop nombreuse ; elle doit être composée d’hommes éclairés et compétents, qui puissent présenter les questions avec clarté et dans un ordre logique ; mais il ne convient pas d’y faire entrer ceux-là mêmes qu’il s’agit d’interroger. Tout en laissant à chacun de ceux qui comparaissent une grande latitude pour le développement de leurs idées, il faut savoir ramener les réponses vers les points spéciaux qu’il s’agit d’élucider.

Les enquêtes anglaises, et on peut le dire maintenant, un grand nombre des enquêtes faites en France, renferment sur beaucoup de sujets divers des masses de faits et de renseignements très bons à consulter.

Horace Say.

ENSEIGNE. C’est le nom que l’on donne aux tableaux et aux figures en relief que les marchands et les aubergistes mettent en évidence sur la façade de la maison qu’ils habitent. Par extension, le mot d’enseigne s’applique également à l’explication donnée de la figure ; dans certains cas, même, la figure est supprimée, et l’indication porte encore le nom d’enseigne.

À une époque où peu de personnes savaient lire, et où les maisons n’étaient pas classées avec méthode comme elles le sont aujourd’hui au moyen d’un numérotage uniforme, les enseignes servaient à désigner les maisons et à retrouver les marchands.

Autrefois, à Paris, elles étaient suspendues à des potences de fer, peintes sur des écriteaux en tôle, où figurait dans des proportions colossales un objet quelconque, tel qu’une épée, une croix. Le vent qui agitait ces enseignes les décrochait quelquefois ; la lumière des faibles lanternes que l’on avait alors la nuit était interceptée par leur ombre, si bien que le lieutenant général de police, Sartines, fut obligé de les faire disparaître comme dangereuses pour la sécurité publique. Elles furent alors appliquées au mur.

Vers la fin du dix-huitième siècle, les magasins de Londres étaient renommés pour le luxe de leurs enseignes, dont quelques-unes, selon l’Encyclopédie, avaient coûté 500 fr., 1,000 et 2,000 fr. à faire établir.

Ce sont surtout les hôtels de voyageurs, les auberges et les débits de boissons, qui possèdent aujourd’hui des enseignes ; cela tient aux anciennes ordonnances des aides qui prescrivaient à tous les aubergistes et cabaretiers d’en mettre, ainsi que des bouchons sur le devant de leur poilu, pour que les employés chargés de la perception des droits de consommation sur les vins pussent les reconnaître et les trouver de suite.

La propriété exclusive des enseignes a toujours été consacrée dans notre ancien droit français. Plusieurs ordonnances défendaient aux marchands des mêmes denrées de prendre la même enseigne dans le même bourg, ou dans la même rue seulement, si la ville était grande ; et un arrêt du parlement de Paris de 1648 condamna un épicier de la rue de la Harpe pour avoir suspendu à sa porte une enseigne déjà prise par un autre épicier de la même rue.

Les tribunaux de commerce sont fréquemment appelés à juger des questions d’usurpation d’enseigne. Il est évident que cette usurpation est un vol, puisqu’elle peut avoir pour conséquence d’enlever, par fraude, la chalandise et la clientèle d’un magasin pour les porter sur un autre ; mais il s’élève quelquefois des questions de fait qui rendent la solution difficile. Souvent des marchands prennent pour enseigne la même figure qu’un de leurs voisins et lui donnent une explication différente. Il s’agit alors de savoir si cette nouvelle enseigne a été établie pour jeter la confusion dans l’esprit des acheteurs, et s’il y a eu, en réalité, dommage pour le premier des marchands qui la possédait.

La propriété d’une enseigne est un droit qui a, dans certains cas, une valeur assez considérable, valeur qui se confond, en général, dans celle de la chalandise et de la clientèle (V. ce mot), car si la qualité des marchandises fait la réputation du marchand qui les vend et crée la clientèle, l’enseigne sert à la conserver, en fixant dans les esprits le souvenir de cette réputation.

Léon Say.

ENSEIGNEMENT. Nous avons dit, au mot Écoles professionnelles, combien il importait qu’il y eût dans un pays un grand nombre d’institutions particulières où l’on s’occupât de propager toutes les connaissances applicables à la vie sociale. Le système de l’instruction publique, tel qu’il est pratiqué en France et dans plusieurs autres pays, sera exposé au mot Instruction publi-

  1. Statistique de l’industrie à Paris, résultant de l’enquête faite par la chambre de commerce pour les années 1847 et 1848. Paris, 1851, chez Guillaumin et comp., 1 vol. grand in-4 de 1,400 pages.