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tées avec beaucoup de fruit. C’est dans ces documents que l’on peut notamment puiser de très utiles informations sur tout ce qui touche aux banques. Des enquêtes ont eu lieu sur le renouvellement de la charte de la banque d’Angleterre chaque fois que la question s’est présentée, et sur tout ce qui tient aux banques d’émission. Une enquête avait été ouverte en 1797, Lors de la suspension des payements en espèces, et une autre en 1819, lorsqu’il s’est agit de reprendre l’usage de la monnaie métallique. Il est peu de documents qui puissent fournir plus de lumières sur le sujet important des banques en général que cette dernière enquête ; les questions étaient posées dans un ordre parfaitement logique, et les réponses faites par des hommes d’une grande expérience et d’une haute portée d’esprit, parmi lesquels il suffira de citer en première ligne deux économistes, David Ricardo et Thomas Tooke. Chacun d’eux a été interrogé dans plusieurs séances successives. À la question qui lui était d’abord posée par le lord président, dans une séance du 24 mars 1819 : « Quelle est la ligne de vos affaires ? » David Ricardo répondait déjà qu’il n’était plus dans les affaires, mais que pendant toute sa vie antérieure il avait été dans les transactions sur les capitaux à la bourse des fonds publics : « I have been all my life in the Money Market on the stock exchange. »

L’enquête de 1832 sur la banque d’Angleterre, et sur l’ensemble du système sur lequel étaient établies les banques d’émission en Angleterre et dans le pays de Galles, a été non moins remarquable, et a été faite par un comité présidé par lord Althorp, et dans lequel figuraient sir Robert Peel, lord John Russell, sir Henry Parnell, MM. Baring, Poulett Thomson et autres hommes compétents. M. Jones Loyd (aujourd’hui lord Overston), appelé devant le comité, y a fait des réponses pleines de sens, et l’on a surtout remarqué son insistance sur la nécessité d’une publicité fréquente et régulière des opérations d’une banque de circulation, comme moyen essentiel de crédit, et ses réclamations contre les lois sur l’usure et la limitation du taux de l’intérêt.

D’autres comités ont encore été chargés d’informer sur ce sujet compliqué en 1836, 1838 et 1840.

Une autre enquête, précieuse par les faits qu’elle constate, est celle de 1847 sur les effets des lois sur la navigation ; elle ne forme pas moins de 5 volumes.

De toutes les enquêtes anglaises, cependant, les plus considérables sont celles qui ont été faites à l’occasion des lois sur les pauvres. L’enquête sur le paupérisme en Angleterre a amené la législation actuelle sur la matière, et il en a été de même pour les pauvres d’Écosse et pour ceux d’Irlande. Un seul des nombreux rapports avec les procès-verbaux de l’enquête sur la question en Angleterre, publié en 1834, forme 16 volumes in-folio.

La France est entrée beaucoup plus tard dans la voie des enquêtes, et c’est seulement lorsqu’elle a essayé d’établir chez elle un gouvernement représentatif qu’elle a cherché à élucider par ce mode d’information quelques-unes des questions qui devaient être soumises à la discussion des chambres législatives. D’abord, les empiètes ont été faites par des commissions spéciales désignées par le gouvernement ou par son conseil supérieur du commerce, et c’est seulement en 1835 que le droit d’initiative à cet égard, de la part des chambres, a été revendiqué et reconnu.

Le monopole des tabacs, renouvelé en 1829, devait expirer en 1837 ; dès 1836, le gouvernement crut devoir s’adresser aux chambres pour en obtenir la prorogation. Le projet de loi ayant été porté à la chambre des députés, une proposition fut faite dans le sein de l’assemblée d’ouvrir, préalablement à toute discussion, une enquête sur tout ce qui tenait à la culture, à la fabrication et à la vente du tabac. Le droit d’ordonner une semblable enquête fut vivement contesté pour une chambre qui n’avait pas d’initiative à l’égard des lois ; mais les résistances furent vaincues ; l’enquête eut lieu, et le rapport, présenté par M. Vivien, a été imprimé en 1837. Depuis lors, le droit n’a plus été mis en question ; mais jusqu’en 1848 la chambre n’en a fait usage qu’à l’occasion d’une élection, et la chambre des pairs n’y a jamais eu recours.

Les premières enquêtes ouvertes par le gouvernement remontent à deux années avant la révolution de Juillet. Ce sont celles qui ont été faites en 1828, sous la présidence du ministre du commerce et des manufactures, sur les fers et sur les houilles. C’était entrer dans une bonne voie : mais les agents administratifs jouaient un trop grand rôle dans ces circonstances ; la plupart des documents étaient fournis par eux ; les rapports ont pris un grand développement, et dans les publications qui ont été faites, les procès-verbaux des interrogatoires occupent trop peu de place.

Dans l’enquête sur les fers, vingt-sept personnes ont été entendues, dont quatorze étaient maîtres de forges ; deux marchands de fer ayant avec ceux-ci des liens d’intérêt ; deux fabricants de machines ; un seul entrepreneur de serrurerie ; un fabricant de limes ; un agriculteur ; un propriétaire de vignobles et deux délégués commerciaux de Bordeaux et de Nantes. Les conclusions auxquelles on est naturellement arrivé par ces moyens ont été favorables au maintien du système protecteur[1].

Au mois de décembre de la même année commençait une enquête, conduite à peu près de la même manière, sur les questions relatives au sucre. On s’est d’abord occupé exclusivement du sucre exotique, en se livrant à de grandes recherches sur les conditions de production du sucre dans les colonies françaises et dans les autres contrées tropicales. De bons renseignements ont été alors fournis par les commerçants sur les inconvénients qui résultaient pour notre navigation des entraves que les surtaxes sur les sucres étrangers apportaient aux chargements en retour des navires français expédiés, au Brésil, à La Havane et ailleurs. Ces avertissements sont malheureuse-

  1. Enquête sur les fers, par une commission formée, avec la permission du roi, sous la présidence du ministre du commerce et des manufactures. Octobre et novembre 1828, Impr. nationale, 1 vol. in-4.

    Même année : Enquête sur les sucres, id., 1 vol. in-4.