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piètre écolier, un externe paresseux, mais excusable, étant débile et maladif. Vous ne saviez pas vos leçons, vous promettiez à vos parents de les apprendre en traversant le Luxembourg ; mais le jardin était délicieux, les buissons étaient en fleur, vous arriviez au lycée avec une branche de lilas « chipée » à la Pépinière et écrasée entre les pages de votre grammaire de Burnouf, et quand il fallait conjuguer votre verbe grec ou passer au tableau, vous gardiez le silence d’un « cancre ». Le mot n’est pas de moi, je n’en suis pas responsable. Mais vous ajoutiez que depuis vous aviez su rattraper le temps perdu, que vous aviez beaucoup lu, beaucoup réfléchi, que vous aviez compris que, dans l’existence d’un artiste, le travail doit être le frère du rêve. On s’en aperçoit en examinant de près vos récits épiques, où se meuvent avec aisance des figures savamment étudiées. On croit voir, en vous lisant, le petit épicier de Montrouge, celui qui cassait son sucre avec méthode et quelquefois avec mélancolie ; on croit voir aussi votre Mahomet II, jetant en pâture à ses janissaires révoltés la tête sanglante de sa favorite.

Vous appartenez à une école qui a bien mérité de la poésie française en recommandant à ses adeptes le soin et même le scrupule de la forme. Elle fait la guerre à toutes les facilités dangereuses, aux tours lâchés, à la stérile abondance qui dit en quatre vers ce qui peut se dire en deux, aux chevilles, à la bourre, aux épithètes oiseuses et vagues. Lorsqu’elle prêche la sévère exactitude, elle retourne aux vraies traditions de l’art. « Messa abondante en pigeons ! » disait le vieil Homère. Je n’ai jamais vu Messa, mais un voyageur m’a assuré