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respire l’enthousiasme du mépris et de la haine, et je me suis laissé dire que vous ne haïssiez personne ; c’est sans doute pour cette raison que vous n’avez point d’ennemis. Je connais des gens qui prétendent que cela vous manque ; qu’un bon ennemi, si déplaisant que soit son visage, est souvent un donneur de bons avis. Mais pourquoi vous souhaiter un bien dont vous ne sentez pas la privation ? En revanche, vous avez fait beaucoup de choses que M. de Laprade n’aurait pu faire. Vous avez publié des contes en prose ; la couleur, l’effet, le piquant, le ragoût, tout s’y trouve. Je m’empresse d’ajouter qu’il n’a jamais rien écrit pour le théâtre. Il n’avait pas la vocation ; vous avez démontré la vôtre en écrivant cette charmante rêverie dialoguée du Passant, qui commença votre réputation, et sans oublier le Luthier de Crémone dont le succès fut si vif, ce beau drame de Severo Torelli, que tout Paris applaudissait naguère, éclatante victoire qui vous en promet d’autres. Cependant je ne vous parlerai ici ni de vos contes ni de vos drames, non que je veuille rien dérober à votre renommée, mais je crois connaître vos secrètes préférences et je soupçonne que si l’on vous demandait qui l’Académie Française a choisi pour succéder à M. de Laprade, vous répondriez avec une juste fierté : « C’est l’auteur des Intimités, des Humbles, des Promenades et Intérieurs, des Récits et Élégies et des Poèmes modernes. »

Votre prédécesseur était né dans les montagnes du Forez, et quand son corps était à Lyon, son imagination habitait encore les bois. Vous êtes, Monsieur, un Parisien de Paris, né de parents nés à Paris, et votre enfance s’est écoulée dans l’enceinte des fortifications.