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de l’Idéal ; d’un poète qui serait au premier rang, s’il n’était pas né dans un siècle qui a donné à la France Alfred de Musset, Lamartine et Victor Hugo, et dans lequel vous avez eu, Messieurs, l’orgueil de compter de tels hommes dans vos rangs. Nous pouvons encore contempler l’admirable vieillesse de l’auteur de la Légende des Siècles, mais ceux qui ont écrit Jocelyn et les Nuits ne sont plus. Après de pareils génies, qui ont mis la poésie française au-dessus de toutes les autres, il se produit, dans la pensée d’un peuple, une sorte de lassitude et d’épuisement, de même que, dans une marée montante, les petits flots succèdent aux grosses lames. Les yeux éblouis d’un sublime coucher de soleil, vous vous tournez vers l’avenir, vers le levant, vous regardez avec mélancolie les tremblantes étoiles qui palpitent encore dans le ciel poétique. Vos choix deviennent donc forcément indulgents. Mais, fidèles à votre passé et respectueux de vos anciennes gloires, vous conservez ici leurs places aux poètes, aux seuls poètes de bonne foi et de bonne volonté ; et vous ne tenez pour tels que ceux qui, comme M. de Laprade, cherchent dans la poésie l’expression la plus noble de la pensée et ne la mettent au service que de ce qu’il y a dans le cœur humain d’héroïque, de tendre et de généreux.