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Il faut de plus mâles sauveurs
Dans l’affreux orage où nous sommes.
Nous avons eu trop de rêveurs.
Soyez des hommes !

Ces beaux vers, que j’ai tenu à vous relire, me semblent bien résumer la pensée générale du dernier ouvrage de M. de Laprade. Jamais le sentiment paternel, dont ici chaque page est brûlante, ne tombe dans l’attendrissement sénile et maladif. C’est bien le livre d’un père, d’un père au cœur rempli d’amour, d’un père prodigue de caresses, mais qui, tout en adorant ses enfants, prétend leur souffler le haut et sévère idéal et la passion des grands devoirs qu’il tient lui-même de ses aïeux.

Vers la fin de la vie de M. de Laprade, l’ironique fortune lui donna les richesses de ce monde qu’il avait toujours méprisées. Il eut du moins la satisfaction de les laisser à sa famille, dont les soins pieux et le tendre respect ont adouci le martyre de ses dernières années. Martyre subi avec un admirable courage, et je puis même dire, en me rappelant les ^lettres écrites par le malade de son lit de torture, avec une surprenante gaieté. Quand la mort mit un terme à ses souffrances, ce chrétien qui les avait supportées avec tant de résignation, cet homme de foi et de vertu eut la fin dont il était digne : il s’éteignit avec la sérénité d’un saint.

J’ai accompli mon pieux devoir. J’ai essayé de retracer devant vous, autant qu’il était possible de le faire dans les étroites limites d’un discours, la vie et l’œuvre d’un poète qui a suivi la route de l’Art, les yeux toujours fixés, comme un berger de l’Écriture, sur l’étoile