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J’ai trop souvent, mes doux lecteurs,
Parmi les bruyères fleuries,
Parmi les bois, sur les hauteurs,
Conduit vos jeunes rêveries.

J’aimais à cueillir, à genoux,
Au bord des neiges les fleurs roses,
Sous mes doigts exprimant pour vous
Les parfums intimes des choses.

Je voulais, seul, dans ces beaux lieux,
Loin du monde, à côté des nues,
Nourrir vos cœurs purs et joyeux
Du miel des plantes inconnues ;

Et dans le calme des forêts,
Aux feux des aurores vermeilles,
Vous faire adorer de plus près
Le Dieu qui créa ces merveilles.

Ce Dieu nous appelle, aujourd’hui,
Autre part que dans la nature ;
Il nous faut pour marcher à lui
Revêtir une forte armure.

Notre poste est dans les cités,
Dans ces combats à toute outrance
Où l’on blesse des deux côtés,
O Christ ! votre soldat... la France.

Déserts visités en rêvant,
J’aspirai, du moins, sur vos cimes,
Dans le souffle du Dieu vivant
L’espoir et les désirs sublimes.

C’est lui que nous allions chercher
Sous les sapins, sur la bruyère ;
Nous grandissions sur le rocher,
Dans l’art sacré de la prière ;