Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/20

Cette page n’a pas encore été corrigée

gracieux des symboles, montre, dans la légende de cette jeune fille devenant l’épouse d’Eros, la destinée de l’âme humaine s’unissant à Dieu dans l’éternité ; où le poète, éclairant, rajeunissant en quelque sorte aux lueurs de la philosophie la mythologie antique, en dégage la signification morale, le spiritualisme supérieur, l’idée profondément religieuse. Conception nouvelle et hardie, où se.trouve une fois de plus posé l’insoluble problème qui a inquiété et inquiétera le monde jusqu’à son dernier soir : car toujours Eve regarde d’un œil plein de désir les fruits de l’arbre de la Science ; toujours Psyché allume en tremblant sa lampe pour contempler le visage de son divin amant ; toujours l’épouse de Lohengrin a sur les lèvres la question interdite ; et, jusque dans les Contes de berceuses, toujours la femme de Barbe-Bleue serre dans sa main frémissante la clef de la chambre défendue. Toujours le mystère ! Toujours Isis sous son voile ! Toujours l’inflexible et désespérante consigne passée à l’homme d’âge en âge : Aimer et croire sans connaître !

Ce poème de Psyché, dont je ne puis qu’indiquer le sens philosophique, mais dont je ne saurais trop louer la forme impeccable, où le dessin classique s’allie à la couleur moderne, fut bientôt suivi des Odes et Poèmes. C’est là, je n’hésite pas à le dire, que M. de Laprade, dans toute la force de son talent, a fait sa plus riche et sa plus féconde moisson lyrique ; c’est là qu’il a chanté, avec cet enthousiasme, celle exubérance de jeunesse que les poètes eux-mêmes n’éprouvent qu’une fois dans la vie, son cantique à la gloire de l’univers visible, son hymne à la nature.