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l’œuvre de M. de Laprade est dominée par l’idée do Dieu.

Je puis évoquer devant vous l’image de l’auteur de Psyché à ce moment de sa jeunesse déjà mûrie et devenue grave, tel qu’il fut introduit à Paris dans quelques sociétés d’élite, tel qu’il fut présenté notamment, par son compatriote Ballanche, à l’Abbaye-aux-Bois, où il s’inclina devant le majestueux silence de Chateaubriand. Ce portrait est signé du nom de notre maître à nous tous, les poètes, d’un maître qui fut particulièrement celui de M. de Laprade, du nom cher et vénéré de Lamartine :

« Il était grand, dit-il, en parlant du jeune homme qui vint le saluer à Saint-Point, il était grand, élancé, la tête chargée de modestie, un peu inclinée en avant, le regard bleu et nuancé de blanches visions comme une eau de golfe traversée par beaucoup de voiles, le front plein, les traits maies, quoique avec une expression générale mélancolique, le teint pâli par la lampe, la physionomie pieuse, si l’on peut se servir de cette expression, c’est-à-dire la physionomie d’un jeune homme qui écoute les voix célestes entendues de lui seul, et dont la pensée, consumée du doux feu de l’encensoir, monte habituellement en haut plus qu’elle ne se répand sur les choses visibles d’ici-bas. »

Il y a, dans ces lignes magistrales, plus qu’un portrait idéalisé du poète ; il y a la définition même de son génie poétique, qui venait de se révéler alors au monde littéraire par la publication de Psyché.

Vous l’admirez tous, cette pure fleur de poésie éclose dans un esprit pénétré par Platon, ébloui par Phidias, mais resté, malgré sa juvénile témérité, sincèrement, absolument chrétien ; vous le connaissez, ce poème charmant et profond, où l’auteur, employant le plus