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Laprade ignorait alors sa vocation, Sans doute, cette Provence qui ressemble à la Grèce, ces paysages arides, mais aux lignes magnifiquement harmonieuses, ces côtes, ces promontoires de la Méditerranée qui se découpent sur le bleu du ciel et se reflètent dans le bleu de la.mer, éveillaient sourdement l’inspiration chez un lecteur enthousiaste d’Homère et d’André Chénier. Mais, sincèrement humble de cœur, il s’estimait assez heureux de comprendre, d’admirer les poètes, et n’osait croire qu’il en fût un lui-même. Ses amis lui révélèrent son noble pouvoir. Il en comptait beaucoup parmi les Lyonnais, ses compatriotes, et aussi dans un groupe d’étudiants appartenant à la noblesse polonaise, réfugiés en France depuis la récente proscription. L’un de ces jeunes gens insista pour que M. de Laprade écrivît quelques strophes sur son album. C’en était fait ; le vase avait débordé. Depuis ce jour, l’élève en droit fit des vers ; mais toujours modeste, il les faisait seulement pour lui, pour ses camarades, sans l’ombre d’une ambition littéraire, sans rêve de succès et de gloire. N’avais-je pas raison de comparer la poésie de M. de Laprade à une source ? Elle jaillissait de lui, naturellement, sans effort, limpide et chantante au départ comme l’eau d’une source dans les bois, mais, comme elle aussi, discrète d’abord et cachée.

Ses études de droit terminées, gardant toujours une grande défiance du goût impérieux qui l’entraînait vers les lettres, M. de Laprade se fit inscrire au barreau de Lyon, plaida quelque peu, remplit auprès d’un avocat en vogue les fonctions de secrétaire, songea même un instant à entrer dans la magistrature. Celui qui fut par la suite un professeur éloquent et disert, prenait ainsi