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CONTES TOUT SIMPLES

prendre tous les deux pour nous mener à la promenade. Elle déjeunait sur un coin de table et maman lui donnait dix sous. Avec cette petite ressource, les secours du bureau de bienfaisance et quelques autres aumônes peut-être, elle trouvait encore moyen de vivre ; et mes humbles, très humbles parents, qui, par des prodiges d’économie, conservaient dans la pauvreté un air de décente bourgeoisie, devaient lui faire l’effet de puissants capitalistes.

Très âgée, avec un bonnet d’aïeule campagnarde d’une blancheur éclatante, une robe, brune à petites fleurs et un châle vert toujours tiré à quatre épingles, « maman Nunu », comme nous la nommions, offrait un visage aux traits réguliers, ridé comme une pomme de conserve, où quelques poils blancs frisaient autour d’une bouche édentée. Elle était d’une propreté scrupuleuse, conservait les formes polies du peuple d’autrefois, et, ayant eu elle-même une nombreuse