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fait d’excellents coups dans les ricins et dans les cacaos, et la maison prospérait. Enfermée, tout le jour, devant le grand-livre, dans une cage de verre, au milieu du magasin imprégné de violentes odeurs, Mme Râpe avait la satisfaction de constater, à chaque fin de mois, un bénéfice considérable. Et, comme le but de la vie, n’est-ce pas ? est d’empiler des écus, cette femme de tête, cette correcte bourgeoise, rendait justice à son mari. Seulement, comme on fermait boutique à six heures et demie, qu’on se mettait à table à sept, et que M. Râpe, aussitôt après le dessert, prenait sa canne et son chapeau et ne revenait qu’à minuit du Café du Gaz, Mme Râpe, qui n’avait pas d’enfants, s’ennuyait ferme pendant les longues soirées et baillait sur son tricot.

Les dimanches et les jours fériés, le droguiste consentait à promener un peu sa femme, dans l’après-midi ; mais c’était tout. Aussitôt après le roquefort ou le camembert, « Monsieur » filait au