Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t4, 1899.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

forcément superficielles. De plus, il existe sur ce sujet un livre qui est un chef-d’œuvre, et le souvenir de l’étonnante famille Cardinal m’arrête et me décourage. Ce serait pourtant une erreur de croire que tout le monde de la danse est atteint de la naïve corruption, si spirituellement analysée par Ludovic Halévy. La chasteté et la pudeur sont choses très différentes. Une danseuse peut très bien montrer à deux mille spectateurs « tout ce qu’elle possède », comme on dit au faubourg, et rester nonobstant une très honnête fille. Je n’irai pas jusqu’à recommander le corps de ballet pour le recrutement des rosières; mais je dois rappeler que l’Académie française décerna, il y a quelques années, un prix de vertu à une simple « marcheuse » de la Porte-Saint-Martin.

Je ne prétends pas cependant que les gentlemen au plastron de neige, qui se pressent, pendant les entr'actes, au foyer de la danse, viennent là pour faire des enquêtes destinées à la commission académique des prix Montyon; et ce temple peu accessible, cette espèce de sanctuaire de la galanterie m’a toujours, je l’avoue, inspiré une certaine répugnance. La réunion de ces femmes presque nues — quelques-unes sont encore des enfants — et de ces hommes élégants, appartenant à l’élite sociale, — beaucoup sont déjà des vieillards, — donne la sensation d’un marché d’esclaves, évoque même une comparaison encore plus brutale.