Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t4, 1899.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Personne ne m’a vu lorsque je suis entré.
Voulez-vous me donner asile ?

MADEMOISELLE ROSE, à part.

Voulez-vous me donner asile ? Un fédéré !
Ici ! chez moi !

JACQUES LEROUX.

Ici ! chez moi ! Je suis un vaincu qui se sauve.
Pitié ! Je suis traqué comme une bête fauve,
Avec ces Versaillais toujours sur mes talons.
S’ils me prennent portant cette veste à galons,
Tout est dit. On me colle au mur, on me fusille.
Mais en fuyant, j’ai vu ce jardin, cette grille.
Je me suis jeté là. Les femmes ont bon cœur,
Et vous me cacherez, n’est-ce pas ?… Oh ! j’ai peur
Que des crimes d’hier votre esprit me soupçonne.
Je n’ai pas mis le feu, ni fusillé personne.
Donnez-moi quelque coin où je reste terré,
Pour un jour, un seul !… Oui, demain, je partirai…
Je ne suis qu’un obscur combattant, sur mon âme !
Et si vous me chassez, je suis mort !… Oh ! Madame !
Un homme vous est cher, père, fils, frère, époux.
Je vous prie, oh ! les deux mains jointes, à genoux,
Sauvez le fugitif, le vaincu de la guerre,
Au nom de ce mari, de ce fils, de ce frère !