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Je te le dois et veux le payer en souffrance.
Oui, mourir de ta mort, ce sera pour ta sœur
Une cruelle joie, une amère douceur.
Je chéris mon chagrin et j’en goûte les charmes,
Je veux sentir couler ma vie avec mes larmes
Et, quand de la douleur m’étouffera le flot,
Rendre mon dernier souffle en un dernier sanglot !

LE CURÉ.

Pleurez ! j’aime ces pleurs, ô pauvre âme brisée !
Dans votre aride et morne avenir, leur rosée
Fera fleurir un jour l’oasis, le coin vert.
Les pleurs, dans le chagrin, c’est la pluie au désert.
Oui, parlez du cher mort, aimez votre souffrance ;
Mais gardez tout au moins cette triste espérance
Qu’il vous voit et qu’il sait que vous souffrez pour lui.
Ce n’est pas le curé qui vous parle aujourd’hui ;
C’est l’ami, le vieillard, et je vous dis : Ô femme,
Autour de nous, ici, je sens flotter une âme.
Votre frère vous voit, vous dis-je, il est ici.
Je l’entends murmurer : « Ma pauvre sœur, merci
De m’aimer tant ! Mais plus de blasphème et de rage !
Pleure, les pleurs sont doux, mais pleure avec courage.
Calme-toi ! je suis là, présent, pour te bénir,
Et vivant dans ton cœur et dans ton souvenir.