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Je n’ai plus maintenant de raison d’exister.
Oh ! tenir un de ces bandits, le souffleter,
Lui cracher au visage et l’égorger ensuite !…
On les a vaincus, bon ! mais beaucoup sont en fuite ;
Des gens vont leur donner asile, les cacher,
Et Dieu ne fera rien pour les en empêcher.
Eh bien, non ! non ! C’est trop monstrueux, trop infâme !
Depuis ce meurtre affreux, je suis une autre femme.
Mes pieux sentiments d’autrefois sont éteints ;
Je suis du peuple et j’ai retrouvé mes instincts.
On n’apaisera pas mon atroce souffrance
En me parlant de ciel, de pardon, d’espérance.
Depuis hier, j’ai bu mes pleurs ; c’est un poison
Qui, certes, fait bien mal, mais qui rend la raison.
J’y vois clair, maintenant. Leur bon Dieu, s’il existe,
N’est rien, puisque le mal triomphe et lui résiste,
Et c’est un Dieu mauvais, ou du moins impuissant !
Et puisqu’il a permis la mort de l’innocent,
Puisqu’il prend le parti des démons contre l’ange
Et qu’il ne souffre pas même que je me venge,
Lui, ce bon Dieu que j’ai sottement adoré,
Je n’y crois plus !… Qu’il vienne, à présent, le curé !

Pendant qu’elle dit ces derniers mots, le curé, vieillard à cheveux blancs, est entré par le fond. Il traverse le petit jardin et s’est arrêté sur le seuil de la chambre. Mademoiselle Rose l’aperçoit.
C’est lui !