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prisée ;
Vous entreriez avec le soleil du matin
Dans la salle où finit à peine le festin ;
Et votre lèvre pure, enfant, serait rougie
À la coupe banale où s’abreuve l’orgie ;
On vous en offrirait les infâmes débris,
Et vous prostitueriez à ces regards flétris
Par la veille, & que la débauche décolore,
Vos grands yeux pleins d’azur & vos cheveux d’aurore !
Aller chez Silvia ? Vous ne le pouvez pas.
Payer d’une chanson son gîte & son repas,
Rien de mieux ; mais il faut connaître davantage,
Voyez-vous ! le logis & le pain qu’on partage.
Pardon ! Je parle presque avec sévérité,
À vous, tout d’innocence & tout de pureté,
Quand seule j’ai besoin d’indulgence moi-même.
Mais, si je suis émue, ah ! c’est que je vous aime...
Comme un enfant qu’on veut arracher du péril.
Non. Zanetto, restez le doux coureur d’avril.
Que toujours, à travers les campagnes vermeilles,
Bourdonne votre luth comme un essaim d’abeilles !
Et, quand le ciel sera trop noir, allez-vous en
Chez le vieux châtelain ou le bon paysan,
Et reprenez après votre éternel voyage.
Enfin, si, traversant la place d’un village,
Par un riant matin de la jeune saison,