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de Lisbonne, qui tenait du « sous-off » par ses moustaches et du pion par ses lunettes, était devenu presque élégant, et à son commencement d’embonpoint majestueux et truffé, on pressentait le ministre de demain.

Je ne pus que le reconnaître d’un coup d’œil. Le grelottement de la sonnette électrique annonçait le lever du rideau.

Mais à peine fus-je installé dans mon fauteuil, à l’orchestre, qu’un léger rire, venant d’une baignoire voisine, me fit tourner la tête ; et là, dans l’ombre cythéréenne de la loge, je distinguai — derrière une belle personne qui a été bien jolie en 62, quand elle appartenait, s’il vous plaît, à un prince royal, — l’austère profil du citoyen Polanceau, lequel gobait une cerise confite que lui offrait en riant la demoiselle.

La toile se leva. Mais ce soir-là, moins que jamais, je ne pus m’intéresser aux amours du jeune premier en sucre et de l’ingénue en robe rose. Je revoyais la table des « politiques » et ce pauvre écervelé d’Agricol buvant l’éloquence à la glace du tribun d’estaminet, et je songeais au coin sinistre du Père-Lachaise où pourrissent, pêle-mêle, les communards du dernier combat, et où Mme Mallet,