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fédéré sur la tête et une ceinture rouge autour du ventre, — à vingt-trois ans, malheureux enfant ! — sur la barricade du Château-d’Eau.

Agricol Mallet ! Oui, je l’avais un peu connu, et je l’estimais pour la noble et dure existence qu’il menait alors, pour sa courageuse misère de poète, marié par amour à vingt ans et vendant au cachet son grec et son latin, afin de nourrir sa femme et son nouveau-né. Il avait donc laissé des œuvres posthumes ?... Mais parfaitement ! Je me souvenais. Un soir, il m’avait lu deux ou trois poèmes, des vers élégiaques et murgériformes, avec une petite note tendre, toujours la même, — comme celle du crapaud, — mais sincère ; et même je m’étais dit qu’il avait bien tort de préférer le bonnet rouge de Marianne au bonnet fleuri de Musette, et qu’au fond ce buveur de sang était un buveur de lait.

En ce moment, — il faisait presque nuit dans mon cabinet, — la bonne apporta une lampe, et je pus mieux voir la veuve du commandant fédéré.

Elle était tragique.

On avait froid rien qu’à regarder sa robe et son châle, d’un noir sale ; et son navrant chapeau de crêpe, d’où s’échappaient quelques mèches de