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Je donnai l’ordre d’introduire, et, une minute après, je vis s’avancer, dans la pénombre, un groupe lamentable.

Elle devait être encore jeune, cette grande et lugubre veuve, car le chétif garçonnet, — son fils, évidemment, — qui se serrait contre sa jupe noire, pouvait avoir dix ans à peine ; mais tous deux, la mère et l’enfant, étaient si usés, si flétris par la misère, que la femme semblait hors d’âge et l’enfant déjà vieux. Ils s’approchaient, marchant sur le profond tapis avec la lenteur timide et silencieuse des malheureux, glissant presque ; et, quand ils s’arrêtèrent devant moi, dans le brouillard obscur de la chambre, pâles, tout en noir, l’ample voile de la veuve les enveloppant d’une auréole de ténèbres, je frissonnai comme devant deux spectres.

— « A qui ai-je l’honneur ?... » dis-je, en indiquant un fauteuil.

La pauvre femme s’assit, attira son petit garçon près d’elle, et me répondit d’une voix basse et douce :

« Je suis la veuve d’Agricol Mallet... On m’a dit, monsieur, que vous l’aviez un peu connu autrefois... avant la guerre... et je venais savoir si vous