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un regard infiniment doux, presque attendri.

Ah ! l’aimable repas ! La bonne hôtesse ! Le brave homme d’évêque ! Et la charmante jeune fille, surtout ! La charmante jeune fille !

Mais, tandis que la servante change les assiettes, dans une de ces minutes de silence inexpliqué où les gens du peuple disent : « Il passe un ange, » soudain, — et par hasard, oh ! par pur hasard, — Félix Travel voit son visage reflété dans un miroir, là, sur la muraille, en face de lui.

Son visage ! Mais est-ce vraiment son visage ? Est-ce bien lui, ce jeune homme si maigre, aux yeux caves, au teint plombé ? Comment ! Il a donc toujours aussi mauvaise mine ? Et toutes ses terreurs lui reviennent aussitôt. Une cruelle pensée traverse son esprit. Les attentions, les prévenances de ses hôtes, ce n’est pas à lui particulièrement qu’elles s’adressent, c’est au malade, c’est au poitrinaire qui a déjà la mort sur la figure. Était-il fou de s’imaginer que cette provinciale sèche et altière, que ce vieux prélat, que cette silencieuse et aristocratique enfant, pouvaient porter un tel intérêt à un pauvre diable de musicien, sans fortune, à peine célèbre, sorti hier de la bohème ! Non !