Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée

donc que laisser à la servante sa carte et la lettre du docteur.

— « Ma foi, — pense-t-il en s’éloignant, — si j’en juge par la lugubre apparence de ce logis et par la tête de la domestique, qui ressemble à une vieille machine à prières pour veiller les morts, j’aime autant avoir trouvé visage de bois... A quoi pensait le brave docteur en m’adressant à ces béguines ? »

D’ailleurs, vingt pas plus loin, son impression fâcheuse est dissipée ; car, au bout de la rue, brusquement, il débouche sur une petite place pleine de bruit et de soleil. Là, devant le portail d’une église, sculpté et vermiculé du haut en bas comme une écorce de melon, se tient un joli marché, qui embaume le citron et la rose. Un coin d’Espagne, en vérité, où vibre le sonore patois catalan. L’artiste parisien, qui voyage pour la première fois de sa vie, reste ébloui devant ce spectacle pittoresque et nouveau. Ah ! les beaux écroulements d’oranges, de tomates et de poivrons ! La jeune marchande à qui il achète une botte d’œillets a les yeux noirs de la marquise d’Amaëgui, et ce montagnard à ceinture rouge, qui fume sa cigarette, accoudé sur sa mule au