Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’un éditeur lui a donné la veille, comme acompte sur le prix de sa partition, et il porte pour dix louis de fleurs au cimetière Montmartre, sur la tombe de la maman. Les journaux saluent son œuvre comme l’aurore d’un talent rare. Sur la première page de L’Illustration, son portrait est gravé, et tout Paris est amoureux déjà de sa fine et charmante tête de page florentin. Enfin ! il va donc jouir un peu de la vie, savoir ce que signifie le mot bonheur...

Eh bien, non ! La maladie est là qui le guette et qui empêchera tout. Depuis quelque temps, il est enroué, il tousse. Un soir, il se couche, tout mal à l’aise, avec un grand frisson. C’est la fièvre, c’est la pleurésie. Ah ! il les connaît, les journées si longues et si mornes passées, la nuque sur l’oreiller, à regarder une mouche marchant au plafond ou à compter les petits bouquets de fleurs du papier de tenture ; il les connaît, les nuits d’insomnie, où le délire fait passer tant de fantômes dans le halo de la veilleuse. Et maintenant que le voilà debout, — convalescent, dit le médecin, allons donc ! — son visage reflété dans la glace lui fait peur ; il sent qu’il est plus malade que jamais, qu’il devient poitrinaire, qu’il va mourir...