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d’abord sa mère qu’il évoquait, sa mère veuve, maîtresse de solfège et de piano dans les pensionnats de troisième ordre, courant le cachet à travers Paris, son rouleau de toile cirée sous le bras, dans son deuil éternel de pauvresse. Avait-elle assez trimé, la vaillante et courageuse femme, pour élever son fils unique, lui permettre de suivre les cours du Conservatoire, faire de lui un bon musicien ! Avait-elle assez roulé par tous les temps, marchant sous la pluie avec des bottines qui prenaient l’eau, ou cahotée dans les puants omnibus ! Que de peine et que de bravoure ! Il se rappelait l’affreux petit logement, au fond des Batignolles, où il la rejoignait tous les soirs, et où il la trouvait, rentrée à peine et déjà cuisinant le dîner à la hâte, sans avoir même pris le temps d’ôter son vieux chapeau de tulle noir, tout roussi par le soleil et les averses. Comme c’était triste et laid, ce mobilier en ruine, éreinté par les changements de garnison du père, un officier sans fortune, épousé jadis par amour, et mort, jeune encore, d’un accident de cheval, sans que sa veuve pût obtenir l’aumône d’un bureau de tabac.

Enfin la pauvre femme succombait à la besogne, comme une haridelle de fiacre qui tombe dans les