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comme un concert. Il a quarante-huit ans, à cette heure, et c’est bien le vieux beau devenu sage, n’est-il pas vrai ? un assez fade mélange de grand air, de favoris teints, de préjugés, de chapeaux gris et de mauvais estomac.

Pourquoi cet orgue cruel joue-t-il toujours le vieil air de galop qui rythmait jadis vos entrechats sur le dos du cheval truffé ? Voilà que vous vous revoyez au milieu de l’arène, à la fin de votre « exercice », envoyant au public le baiser d’adieu et écoutant avec ivresse le bruit de grêle des applaudissements. Êtes-vous folle, comtesse ? Voilà maintenant que votre cœur palpite et que vous retrouvez votre première et délicieuse émotion de jeune fille, quand il vous semblait que le beau maître de manège en habit écarlate vous avait tendrement serré le bout des doigts en vous reconduisant !

Enfin le son de l’orgue s’est éteint ; sur le ciel, de plus en plus sombre, on distingue à peine les grands squelettes des arbres dépouillés. Le valet de chambre entre discrètement, apportant une lampe. Il la pose sur un guéridon, et dit de sa voix de cérémonie :

« Monsieur le curé de Saint-Thomas-d’Aquin attend Madame la comtesse au salon. »