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voir le Domino noir, avec des billets de faveur.

Vous êtes résignée, vaincue, sans doute. Mais ce vieil air de polka que joue toujours l’orgue obstiné vous fait souvenir que, l’autre soir, poussant comme aujourd’hui devant vous la petite voiture où dort votre enfant, et traversant ce même boulevard, vous avez failli être écrasée par une fringante victoria, et que vous avez reconnu, bien installé sous les couvertures, le beau M. Frédéric en personne, resté le même, ayant l’air toujours jeune des gens heureux, qui vous a jeté un regard dur en criant : « Maladroit ! » à son cocher.

N’est-ce pas, que cet orgue est insupportable ?... Il se tait, heureusement. Et voici que la nuit monte. Là-bas, au bout du triste boulevard de banlieue, sur la fumée rouge qui succède au coucher du soleil, le gaz qu’on allume fait éclore ses étoiles blêmes. Rentrez à la maison, madame Jules. Votre second fils doit être déjà revenu de l’école, et, quand vous n’êtes pas là, il n’apprend jamais sa leçon du lendemain avant le dîner. Rentrez à la maison, madame Jules. Votre mari va bientôt revenir de son bureau, plein de fatigue et de faim, et vous savez bien que, sans vous, la petite bonne à vingt-cinq francs par mois serait incapable de « raccommoder »