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un brave père de famille. Il est maintenant sous-chef, comme feu monsieur votre père, et il obtient la même note décourageante : « Modeste et utile serviteur ; à maintenir dans son service. » Quand vous lui avez donné son deuxième garçon, il est venu un peu d’ambition au pauvre homme, et, pour avoir de l’avancement, il a publié deux petites brochures spéciales ; mais on s’est acquitté envers lui en le décorant des palmes académiques.

Trois enfants, — deux fils d’abord, et une gamine, venue bien plus tard, — c’est lourd ! Heureusement que l’aîné est au collège, pourvu d’une demi-bourse. Avec beaucoup d’économie, on joint les deux bouts. Mais quelle vie médiocre et triviale ! Le père, lui, part dès le matin, en emportant son déjeuner — un pain fourré et une fiole d’eau rougie — dans les poches de son pardessus ; car, avant de s’installer sur son rond de cuir ministériel, il va faire un cours de géographie dans les pensionnats de jeunes filles. Vous, madame, vous n’avez pas le temps de vous ennuyer, et la journée est courte pour qui a tant à faire. Cependant, jamais un plaisir ! Depuis un an, vous n’êtes allée qu’une fois au spectacle, en Septembre dernier,