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sur un détail de votre toilette, sur la fleur de vos cheveux, — un compliment très respectueux dans les termes, mais où vous deviniez on ne sait quel sous-entendu, qui vous faisait à la fois peur et plaisir !

Hélas ! un jeune gaillard comme M. Frédéric n’était pas fait pour s’attarder dans les bals à verres d’orgeat. Il s’en alla vers d’autres fêtes ; et, sans vous l’avouer à vous-même, vous en fûtes triste, n’est-ce pas ? Puis deux, trois, quatre, cinq années s’écoulèrent. Vous ne mettiez plus de robe rose, étant devenue un peu pâle, et, dans les sauteries bourgeoises où le répertoire musical ne change guère, on jouait toujours la vieille polka qui vous rappelait M. Frédéric.

A la fin, il a fallu voir les choses comme elles étaient, prendre un parti, et vous avez épousé le timide garçon qui faisait danser les demoiselles osseuses et frisant la trentaine. Jadis, vous aviez plus d’une fois oublié son tour de quadrille, bien qu’il fût inscrit sur votre petit carnet d’ivoire. Alors il vous faisait un peu pitié, convenez-en, ce bon M. Jules, avec ses cravates blanches trop empesées et ses gants nettoyés à la gomme élastique. Vous l’avez épousé, pourtant, et c’est, après tout, un travailleur,