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aimé, je sens que je m’en vais, voilà la vérité.

« Madame, on ne ment pas quand on va mourir. Il faut me croire. Je vous jure qu’Armand a été mon premier et mon seul ami. Je l’ai aimé tout de suite, comme une pauvre folle que j’étais, comme il est impossible d’aimer plus. Mais je n’ai pas fait la coquette, je vous assure, et je suis encore tout étonnée qu’il ait bien voulu, qu’il n’ait pas rougi d’une petite amie aussi ignorante et aussi simple que moi. Soyez indulgente, madame ; songez combien nous étions jeunes tous les deux !

« Je savais, bien que cela ne durerait pas longtemps, que les jeunes gens de famille doivent se marier avec une personne de leur monde, que tôt ou tard vous auriez décidé votre fils à me quitter. Mais j’y étais résignée d’avance, et, soyez-en sûre, celle qu’un Armand avait un peu aimée ne serait pas devenue une vilaine. Oui, j’aurais su vivre, toute seule dans mon coin, avec mon cher et unique souvenir de jeunesse, me consolant par la pensée qu’Armand aurait été heureux, lui, au moins, avec belle jeune femme et de beaux enfants. Mais qu’il soit mort à vingt ans, en quelques jours, sans même que je l’aie