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Dépouiller une tombe ! C’est presque un sacrilège. Si son fils la voyait !... Hélas ! cette offrande a peut-être été très douce à celui qui dort là pour toujours. Qui sait si les premières fleurs qui ont orné son sépulcre ne lui sont pas plus chères que celles apportées par sa mère en deuil ? Ah ! la cruelle pensée !

Mais Mme Bernard se rappelle, à présent, qu’elle est venue là pour prier. Elle se reproche de s’abandonner, dans un pareil lieu, à des sentiments de rancune. Elle se met à genoux, fait le signe de la croix, Oui ! l’heure a sonné de tous les pardons. Oui ! en pensant à son pauvre fils mort, elle devrait se souvenir seulement qu’il a été, pendant vingt ans, sa consolation, son orgueil et sa joie. Oui ! elle devrait être plus indulgente pour cette jeune fille qui, après tout, a peut-être aimé sincèrement son Armand, qui, dans tous les cas, ne l’a pas encore oublié, puisqu’elle a posé là ces fleurs fidèles.

Et quand Mme Bernard, après être restée longtemps en prière, se relève pour partir et jette au tombeau un long et dernier regard d’adieu, le bouquet d’Henriette est encore à la même place.