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regardent sans voir, ses yeux démesurément agrandis par la fièvre, et, du fond de son délire, dans un murmure à peine distinct, dans une sorte de soupir où il y a encore de la tendresse, il exhale un nom de femme :

— Henriette !

Mme Bernard étouffe un cri de fureur. Henriette ! Il pense encore à cette Henriette ! Il la revoit dans ses cauchemars ; il l’appelle dans son agonie ! Mais s’il meurt, c’est elle qui en sera cause. Oui ! c’est elle, la débaucheuse, la libertine, qui s’est emparée de ce misérable enfant par les sens, qui l’a mis en folie, épuisé d’amour, et qui l’a livré sans force, éreinté, vidé, à la peste qui passait ! Les médecins l’ont déclaré. La maladie a trouvé chez Armand un terrain trop favorable. Il était anémié, exsangue, quand il a pris cette fièvre. Sans cela, il serait déjà en convalescence, guéri, sauvé ! Et elle, la mère, il faut qu’elle entende son fils moribond appeler cette Henriette ! N’est-ce pas à faire bouillir le sang ? Oh ! la fille maudite ! Oh ! la chienne qui lui a tué son enfant !