Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/367

Cette page n’a pas encore été corrigée

reparaissent avec leur air de sphinx, leur physionomie murée. Elle n’obtient d’eux que des phrases banales : « Il faut attendre... Une réaction favorable peut se produire... », et quelques froides paroles d’espoir. Misère de misère ! Est-ce que son fils va mourir ?

Car il va plus mal, elle s’en aperçoit bien. Les accès de délire sont continuels. Dans cette chambre surchauffée et puant la pharmacie, Mme Bernard passe des journées de vingt-quatre heures, tenue toujours éveillée par l’épouvante, au chevet de ce lit qui semble exhaler une vapeur de fièvre et dans lequel le malade s’agite et gémit faiblement. Les nuits surtout sont terribles. Courbée dans son fauteuil par la fatigue et la douleur, la pauvre femme tâche quelquefois de prier. Car, tout d’abord, devant son enfant en danger, la Corse avait retrouvé, au fond d’elle-même, toutes les dévotions italiennes de son enfance. A Saint-Thomas d’Aquin, on dit chaque jour plusieurs messes pour Armand, et Léontine court sans cesse à travers Paris pour faire brûler des cierges à tous les saints spéciaux, à tous les autels privilégiés. Mais vœux ni neuvaines n’ont donné aucun résultat, et Mme Bernard, qui, dans ce moment même, roule distraitement