Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/360

Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme elle serait heureuse, si elle savait à quel point, là-bas, aux Trembleaux, Armand languit et souffre d’être privé d’elle ! Car le fidèle enfant, lui aussi, compte les journées et les heures. C’est à cause d’Henriette qu’il s’isole, qu’il refuse autant que possible d’aller aux fêtes des châteaux voisins, où sa mère voudrait qu’il parût. C’est avec le souvenir de sa chère petite amie qu’il s’enferme dans la vieille bibliothèque et marche de long en large devant les rayons poudreux, ou qu’il erre, pendant des après-midi entières, sous les hêtres solennels du grand parc. C’est parce que Henriette est loin qu’il n’aime plus ce beau paysage et cet ancien logis, qui lui rappellent pourtant les plus doux souvenirs de son enfance ; c’est parce que Henriette est absente que le gracieux château de la Renaissance, dont l’élégante façade se mire dans un étang où nagent deux cygnes, semble à Armand lugubre et morne comme une prison ceinte de fossés.

Quant à Mme Bernard des Vignes, elle est toujours malheureuse et troublée. Armand est pour elle plein d’égards, mais elle sent qu’il pense toujours à sa maîtresse, que cette séparation n’a rien changé à l’état de son cœur, que l’ennemie