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monotone, qu’elle est fastidieuse, cette interminable journée de travail dans l’atelier à l’atmosphère de bain russe, où les ouvrières en sueur chantonnent ensemble, à demi-voix, une bête et traînarde romance de café-concert ! Aujourd’hui pourtant, la grisette n’a plus hâte de s’en aller, après le repas du soir. Personne ne l’attend sous les arcades. Où donc est son « chéri », à présent ? Que fait-il ? Pense-t-il à elle ? Pour regagner sa demeure, elle prend encore par le plus long, par le chemin qu’elle suivait au bras d’Armand, par leur chemin. Mais il a perdu tout son charme. Elle les trouvait si beaux, naguère, dans le soleil couchant, le décor triomphal de la place de la Concorde, le grand fleuve coulant sous le pont monumental, la vaste esplanade dominée par le gigantesque casque d’or des Invalides ! Ce n’est plus qu’une fatigue pour elle, maintenant, ce long chemin à faire.

A la nuit tombante, elle passe devant la maison où elle a vécu les seules belles heures de son existence. Elle s’arrête un instant, lève les yeux sur les volets fermés de leur chambre. Ah ! les âmes du Purgatoire doivent avoir ce regard-là devant la porte close du Paradis ! Il lui semble